mardi 6 juin 2023
Doit-on craindre les Intelligences Artificielles ?

On ne parle que de ça dans les médias depuis des mois et au milieu de tous les débats enflammés, certains sentent déjà le froid du plat de la lame de Damoclès sur leur nuque quand ils doivent répondre à la question ultime : vais-je être remplacé par une intelligence artificielle ?

Alors la réponse est certainement «OUI» comme la réponse aux ouvriers qui ont perdu leur emploi à l’ère de la mécanisation a été «OUI». C’est en effet inédit car ce sont les métiers intellectuels jusqu’ici préservés de toute menace qui sont ainsi bousculés (la grève des scénaristes de l’industrie américaine du cinéma le mois dernier en est un premier symptôme). Chaque jour, ou presque, de nouvelles prouesses émaillent la rubrique high-tech des webzines, laissant perplexes les jeunes cadres dynamiques.

Toute l’histoire de l’humanité est jalonnée d’inventions qui ont modifié notre vision du monde et son fonctionnement, pour le meilleur (la roue, l’électricité, le télescope, l’avion, l’automobile, la pénicilline, les vaccins…) et parfois pour le pire (La Bombe atomique). Il ne faut jamais oublier que nous sortons d’une grotte sombre et humide et qu’entre 7 millions d’années (date de notre apparition) et aujourd’hui le cerveau humain a été et reste la machine la plus incroyablement perfectionnée en activité sur cette planète à telle point qu’il reste encore une grande inconnue pour nous-même.

 

COMBIEN D'ENTRE NOUS SERONT-ILS CONCERNÉS ?

L’intelligence artificielle a pour elle cette incroyable capacité de pouvoir lire, analyser et traiter une quantité pharaonique d’informations qui sont ensuite triées via des mécanismes de sélection. Elle est capable de faire émerger de nouveaux concepts par un croisement exponentiel de ces données et ce de manière aléatoire ou ordonnée.

À long terme, il n’y aurait donc pas d’obstacle théorique à une automatisation totale. Il y a ainsi 50 % de chance que l’IA soit plus performante que nous en toutes tâches dans quarante-cinq ans en moyenne, et automatise tous les métiers dans cent vingt ans, selon les 352 experts en IA interrogés par une équipe d’Oxford.

Selon le Conseil d’orientation pour l’emploi, il faut ainsi se préparer à ce que la nature de 50 % des emplois mute sous l’influence de l’IA. Aux gouvernements de préparer un avenir qui devra protéger les individus dont les emplois n’auront pas d’interaction avec les IA, comme l’ont très bien fait à la fin des années 1990 les pays scandinaves en mettant en place des politiques de formation dites de flexisécurité.

Comme le rappelle Grégory Verdugo, Professeur des universités en Sciences économiques « Le passage du cheval à la voiture a mis les cochers au chômage mais a aussi créé toute une industrie automobile. Et nous sommes passés de la société agricole à industrielle, puis au tertiaire, dominé par les métiers de service, en consommant plus de soins médicaux, de loisirs, de culture, etc. Il n’y a pas de modèle économique qui le garantisse, mais jusqu’ici l’innovation technologique n’a jamais tué l’emploi.

 

LES IA DANS LES MÉTIERS DE L’IMAGE ET DE LA COMMUNICATION

Encore beaucoup de débats à chaud ont également occupés ces derniers mois tous les protagonistes des métiers de l’image. Le spectre est large puisqu’il réunit les illustrateurs (traditionnels, 2D, 3D), les graphistes, les photographes, les directeurs artistiques, les scénographes… les peintres, encore que.

C’est dans le monde des Arts appliqués surtout que cela remue le plus avec les radicalement «pour» et les radicalement «contre» qui ne rendent pas les débats très apaisés et bien sûr toujours au milieu ceux qui pour l’instant se taisent, la fameuse majorité silencieuse. À ces 3 catégories professionnelles, il ne faut surtout pas oublier d’ajouter «les nouveaux venus» les «non artistes» (on va les appeler comme cela pour l’instant sans arrière pensée péjorative). Cette catégorie est de loin la plus interessante car c’est elle que les IA créatrices d’images (Midjourney, DALL-E…) vont plaire le plus !

Grâce à un processus textuel simple on obtient une image qui ravit la plupart d’entre nous. Mais du coup car il y a toujours un «mais» est ce que cette déferlante d’images créées par les IA ont un intérêt en dehors de ce divertissement qui n’a de finalité qu’un plaisir individuel (on laisse de côté les images qui ont un potentiel de désinformation car c’est encore un autre sujet éthique trop vaste).

Une fois qu’on a passé le stade de l’excitation d’avoir créé son propre petit chat kawaii, sa voiture futuriste et son bébé spiderman, que reste-t-il ? Il est bien évident qu’une personne ayant reçu une formation artistique en arts plastiques, arts appliqués, beaux arts, arts deco et même histoire de l’art n’aura pas la même exigence ni les mêmes attentes.

À fortiori le rôle de la communication visuelle est d’exprimer quelque chose, elle colporte un message et une émotion propre à la marque et reconnaissable par son public. Comme l’explique David Raichman de l’agence Ogilvy, faire en sorte que l’IA colle au mindset d’une marque n’est pas si simple. Pionnier en la matière avec la campagne de la Laitière en 2022 qui voit le tableau de Vermeer s’agrandir pour plus de plaisir, la démarche créative a demandé néanmoins une intervention humaine constante des directeurs artistiques en charge du projet. On voit bien ici que l’IA a bien besoin d’une direction artistique et conceptuelle précise pour la faire aboutir à une image qui a un sens pour la marque.

 

L’ERREUR EST HUMAINE ET C’EST SON ATOUT !

« Les erreurs sont les portes de la découverte » proclamait l’écrivain irlandais James Joyce.
En art et même en science, le hasard fait bien les choses et c’est parfois même le résultat de découverte majeure. Nous connaissons tous l’histoire de Newton et de la pomme tombée de l’arbre sous lequel il faisait la sieste. Ces heureux hasards qui constitueraient selon le psychologue Kevin Dunbar presque 50% des grandes découvertes a même un mot qui lui est dédié : «la sérendipité»

Alors certes la machine peut invoquer aussi le hasard mais quoiqu’elle fasse son programme algorythmique aussi complxe soit-il sera toujours régit par une forme de rigidité où l’erreur ne sera jamais une chance ou un bienfait mais plutôt un dysfonctionnement qu’il faut bannir. Alors que l’erreur est bien le propre de l’homme. L’erreur a aussi cette qualité unique, elle attire l’attention sur elle ! Et quoi de mieux en communication que d’attirer l’attention, de devenir un sujet de conversation ? Un exemple probant d’une erreur qui fait couler encore beaucoup d’encre est le titre du roman d’Alexandre Dumas «les 3 mousquetaires». Pourquoi 3 alors qu’ils sont 4 mousquetaires et même si ils sont 3 au début du roman pourquoi insister sur ce fait puisque c’est l’histoire de D’Artagnan qui les rejoint ? Toutes les interprétations ont eu cours dont celle selon laquelle Dumas aurait volontairement induit l’absurdité pour qu’on parle de son roman…  si tel est le cas on peut dire que c’est réussi puisque «les 3 mousquetaires» fait partit des livres de la littérature française les plus lu et connu de la planète avec le Petit Prince de Saint-Exupéry.

L’erreur en art, en science comme en communication est un atout indéniable face à la perfection froide de la machine. Que ce soit une absurdité textuelle, un défaut esthétique ou un accident sonore, l’erreur est toujours bonne à prendre soit quand elle se présente d’elle-même soit que l’on en appelle volontairement de nos voeux.

 

Sources et références : 

Interview de David Raichman / BFMTV Business https://www.youtube.com/watch?v=VZSoVTe4g_E

Film La Laitière OutPainting réalisé au moyen de l'intelligence artificielle DALL-E : https://www.youtube.com/watch?v=nvGYqGsST6w&t=4s

https://perezartsplastiques.com/2019/06/21/le-statut-de-lerreur-en-arts-plastiques/

https://lejournal.cnrs.fr/articles/a-lusine-au-bureau-tous-remplaces-par-des-robots

https://e-writers.fr/innovations-technologiques-qui-ont-change-le-monde/

https://www.ladn.eu/media-mutants/ia-strategies-medias/